top of page

Épisode 3 : Pourquoi le Parti Communiste Chinois ne devrait pas sauver Evergrande | Explications !

Evergrande continue de faire parler de lui et défraie une nouvelle fois la chronique !


Alors que le gouvernement Chinois essayait jusqu’à maintenant d’éviter d’affronter la réalité, ce qui avait fonctionné à court terme, désormais, les choses sérieuses arrivent.


L'alarme a été déclenchée dans un communiqué par une société allemande créancière de Evergrande, mercredi dernier, qui avertissait que le délai de grâce pour le remboursement de la dette du géant immobilier avait expiré et qu’il n'avait pas reçu le paiement de ses intérêts menaçant d'engager les procédures nécessaire afin de déclarer la faillite de Evergrande.


De nombreuses personnes se sont donc précipitées, annonçant la faillite du géant immobilier chinois. Pourtant, pour le moment rien de tel n’est arrivé, l’entreprise est encore en vie même si entre Sinic, Kaisa Group, Fantasia, China Modern Land ou encore Yango, le nombre de promoteurs immobiliers en difficulté ne cesse de croître, jours après jours.


À cela s’ajoute le ralentissement économique historique que la Chine est en train de connaître, ce qui pourrait entraîner l’un des plus importants processus de restructuration de l’histoire du pays communiste.


Dans cet article, je vais donc tout expliquer, quelles sont les prochaines dates que tu dois absolument connaître, ce qui se passe en chine et surtout, pourquoi le gouvernement pourrait laisser le marché s’effondrer !

 

Table des matières :

 
1. Evergrande la grande faillite ?!

On l’a vu, ces derniers mois, le secteur immobilier chinois fait les gros titres avec notamment le promoteur immobilier Evergrande. Pourtant, malgré le fait que l’entreprise pourrait faire faillite provoquant un événement de type crise financière mondiale comme ce fut le cas lors de l'effondrement de la banque d'investissement américaine Lehman Brothers en 2008, cela ne s'est toujours pas produit.


Au lieu de cela, l'entreprise qui est au bord de l'effondrement continue d'éviter le pire avec des mouvements de dernière minute. Selon Bloomberg, il y avait de nombreuses spéculations selon lesquelles Evergrande ne paierait pas provoquant sa faillite. Au lieu de cela, l'entreprise réussit pour l’instant à passer d'une échéance à l'autre, remplissant ses obligations au dernier moment, sans d’ailleurs expliquer comment ni même divulguer publiquement comment elle y parvenait.

Evergrande a déjà tenté de vendre des actifs de l'entreprise pour lever des fonds, le milliardaire fondateur, Hui Ka Yan, a également été invité à puiser dans sa vaste richesse personnelle pour rembourser ses dettes et sauver l'entreprise et il y a également des rumeurs selon lesquelles le gouvernement chinois serait intervenu.


Toujours est-il que rien ne confirme ces propos et la société reste sous assistance respiratoire


2. Le gouvernement chinois va-t-il sauver Evergrande ?

Arrivé à ce stade, on pourrait donc se demander, est-ce que le gouvernement chinois pourrait sauver Evergrande et l’ensemble des promoteurs immobiliers en difficulté ?


Tout d’abord, il faut savoir que si les problèmes que l'entreprise est en train de vivre n’ont toujours pas été résolus, cela est simplement dû au fait que le gouvernement chinois ne veut tout simplement pas encore intervenir à 100%.


Après des années à renflouer les promoteurs immobiliers et les entreprises d'État mal gérées, Pékin veut clairement envoyer le message que l'époque des renflouements faciles et des injections monétaires du gouvernement est révolue du moins partiellement.


En effet, les difficultés financières sont incontestables et nous avions déjà étudié les raisons, toujours est-il qu’à plusieurs reprises, la Banque Centrale Chinoise a injecté l’équivalent de plusieurs milliards de dollars dans le système financier pour éviter la panique et les promoteurs publics achètent massivement lors des ventes aux enchères de terrains par les entreprises en difficulté.


À titre d’exemple, au cours des trois derniers mois, les promoteurs étatiques ont acheté 75% des terrains résidentiels vendus aux enchères dans 22 grandes villes alors qu’auparavant, ils n'avaient acheté qu'environ 45% des lots vendus aux enchères. On voit donc une volonté de maintenir à flot le secteur de l’immobilier afin d’éviter que les prix ne chutent drastiquement.


Aussi certains sont persuadés que le gouvernement chinois sauvera Evergrande et l’ensemble des promoteurs immobiliers en difficulté, afin d’éviter que leur faillite ne génère une crise systémique de même ampleur qu’en 2008 dans le pays communiste, ce qui pourrait nous amener à la conclusion d’un sauvetage certain.


Pour autant, plusieurs raisons peuvent nous faire douter d’un renflouement de la part de l’État chinois, d’une part, parce que les dirigeants communistes ont eux-même tenté de percer la bulle immobilière qui planait sur le pays ces dernières années, c'est-à-dire qu'ils sont en grande partie responsables de la situation que le pays vit actuellement, et d'autre part, parce que Xi Jinping qui s’est soudainement engagé en faveur de la lutte contre les inégalités rendrait ce sauvetage incompatible avec sa nouvelle politique.



1° Premièrement en ce qui concerne la politique des trois lignes rouges, pour rappel, cette politique mise en place en août 2020 par le gouvernement chinois avait été adoptée dans le but de dégonfler la bulle immobilière en limitant le surendettement des promoteurs immobilier au travers de différentes mesures que sont :



-D’abord, un ratio de dettes sur actifs inférieur à 70%.


Autrement dit, le ratio entre le passif et l'actif doit être inférieur à 70%, c'est-à-dire que les fonds propres de la société doivent représenter de 30% du passif minimum.


Dans le cas de Evergrande par exemple, cette exigence n’est clairement pas respectée puisque si on regarde les derniers états financiers publiés par le promoteur, on constante que l’actif total de l’entreprise est de 2.377 milliards de yuans pour un montant de dettes de 1.966 milliards de yuans, ce qui représente un ratio de dettes sur actifs de 82,70% et donc les fonds propres de l’entité ne sont que de 17,30% du passif.


La première exigence n’est donc pas respectée !


-Ensuite, les promoteurs immobiliers doivent constamment maintenir un effet de levier inférieur à 100%.


Concrètement, cela signifie que le total des dettes doit être égal au fonds propres de l’entité. Par conséquent, si les capitaux propres sont de 100 euros, le total des dettes doit être égale ou inférieure à 100 euros.


Une nouvelle fois, à en croire le bilan comptable du géant immobilier, on est largement au-dessus des exigences puisque comme on vient de le voir, les dettes représentent 1.966 milliards de yuans tandis que le capital est de seulement 411 milliards de yuans. Autrement dit, le ratio ici est de 478%, on est largement au-dessus des 100%.



-Finalement, la dernière exigence a trait au rapport cash sur dettes à court-terme qui doit être supérieur à 1.


C'est-à-dire pour faire simple que les promoteurs immobiliers doivent avoir une trésorerie ou des équivalents de trésorerie supérieurs au volume de leurs échéances de dettes à court terme. On parle de dette à court-terme lorsque l’emprunt est inférieur à un an.


Une nouvelle fois ce n’est pas respecté puisque le cash et équivalent au cash est de 86,772 milliards de yuans pour un montant total de dettes à court terme de 240 milliards de yuans, ce qui nous donne un ratio de 0,36.


Les promoteurs immobiliers doivent donc répondre à ces trois critères. Si tel est le cas, alors, ils ont le droit d'augmenter leur endettement à hauteur de 15% par an, s’ils ne respectent pas un des trois critères, leurs dette ne peut augmenter que de 10% ans, si deux des trois critères ne sont pas respectés, leur dette ne peut croître que de 5% et s’ils franchissent ces trois limites comme c’est le cas de Evergrande et de nombreuses autres institutions, alors a priori, ils ne peuvent plus s’endetter.


Avec cela on comprend donc clairement que l’objectif de ces restrictions est de forcer au désendettement les promoteurs immobiliers accompagné d’un désinvestissement progressif dans ce secteur d’activité afin de percer la bulle immobilière puisque comme nous l’avions vu précédemment, le PIB chinois dépend énormément, directement ou indirectement, du secteur de la construction.

Cette mauvaise allocation du capital n’a donc pas pu être dirigée dans d'autres secteurs qui auraient un plus grand potentiel de développement futur, comme les nouvelles technologies.


Et c’est précisément cet autre problème qui échappe à la plupart des analystes. Après plusieurs années de croissance artificielle facilitée et boostée par le secteur immobilier et l’endettement massif des ménages, sur cet autre graphique on peut voir comment la part des exportations chinoises de nouvelles technologies est relativement stagnante depuis une dizaine d'années.



Et évidemment, tout cela a un impact sur la productivité de l'économie chinoise dans son ensemble, puisque ce que nous appelons la productivité totale des facteurs, a stagné et est désormais en train de diminuer après une croissance exceptionnelle. On voit que cela coïncide avec celle de l'explosion de l'endettement chinois comme nous avions eu l'occasion de voir dans un article précédent.


Donc si le gouvernement chinois veut percer la bulle de manière soi-disant contrôlée, bulle immobilière qu’ils ont eux-même créé au travers de leur politique, cela serait incohérent que le gouvernement sauve les promoteurs immobiliers chinois, qui sont justement la représentation même du modèle économique que le gouvernement veut abandonner, d’autant plus que dernièrement, les défauts de paiements et les institutions en difficultées ne cessent de se multiplier.


D’ailleurs, la situation pourrait se compliquer dans les mois à venir car si pour le moment les remboursement ne concernaient que quelques millions de dollars, durant l’année prochaine et à partir de mars, plusieurs obligations arriveront à échéance et ce sont l’équivalent de plusieurs milliards de dollars qui devront être remboursés, voici donc les dates importantes à connaître :



2° Deuxièmement, on peut également évoquer le revirement idéologique du parti qui, comme si de rien n'était, s'inquiète désormais des inégalités présentes au sein de la société évoquant son nouveau mantra : “la commune prospérité”.


On pourrait donc légitimement s’attendre à ce que le gouvernement chinois choisisse de ne pas renflouer les promoteurs immobiliers au frais du contribuable au risque d’exacerber les inégalités puisque son but est précisément d’éviter l’émergence de nouveaux riches susceptibles de devenir un contre-pouvoir à l'État.


De ce fait, bien que les incitations pour que le gouvernement intervienne et évite un potentiel risque systémique en Chine, soit grande, en réalité, le problème de fond reste bien présent et les conséquences à venir seront particulièrement importantes.


D’ailleurs, si on peut peut-être s’attendre à ce que la crise reste cantonnée à la Chine, les répercussions économiques, en revanche, pourraient être d’ordre planétaire, au travers notamment, d’un ralentissement de la croissance chinoise, et cela a d’ailleurs d’ores et déjà démarré.



3. La Chine au bord du gouffre ?!

En effet, si tu suis l’actualité, tu as certainement remarqué que l’économie chinoise a drastiquement ralenti et le taux de croissance trimestriel de son PIB est d’à peine 0,2%. Autrement dit, si ce taux de croissance restait aussi bas sur une année entière, alors la Chine aurait un taux de croissance annuel inférieur à 1%.


Si l’on compare le taux de croissance trimestriel de la Chine à celui des États-Unis, il est 10 fois plus élevé que celui de la Chine soit de 2%.


Arrivé à ce stade, j’en vois déjà certains se préparer à commenter pour m’expliquer que si les États-Unis connaissent une croissance 10 fois plus élevée cela est entièrement dû au rebond post-pandémique et les dépenses massives du gouvernement et de la réserve fédérale.


Outre le fait que la Chine a également stimulé son économie, si l’on regarde sur les 7 dernières années, à aucun moment le taux de croissance inter-trimestriel américain n’est tombé en-dessous de 0,2% à l'exception des deux premiers trimestres de 2020 avec la pandémie et il a régulièrement été au-dessus de ce taux.


À l'inverse, du côté de la Chine une économie censé être en plein développement avec un potentiel de croissance énorme, a certes connu des taux de croissances inter-trimestriels élevés ces dernières années pour les raisons évoquées précédemment, pourtant, les premiers et troisièmes trimestres de cette années sont marquées par un ralentissement historique !


Comme on peut le voir sur ce graphique, on peut voir comment la croissance chinoise a rebondi, suite à la- suite à la reprise post-pandémique. Toutefois, sa croissance est en déclin depuis maintenant une dizaine d’années.


Le problème c’est qu’avec des valeurs extrêmes, ce phénomène est difficilement observable.


Pour y remédier et voir l’ampleur du ralentissement que connaît la Chine, il suffit tout simplement d’enlever la période de 2020 dont les chiffres sont biaisés avec le rebond post-pandémique. On peut voir très clairement à quel point la croissance économique chinoise ralentit.


Du côté des États-Unis en revanche, on peut également réaliser le même exercice puisque les valeurs extrêmes de 2020 biaisent notre perception de la réalité économique.


Ici, à l’inverse, si on enlève l’année 2020, on voit que la situation est tout autre :


Attention, ici ce sont des données dites intertrimestrielles, c’est-à-dire comment l’économie évolue d’un trimestre à l’autre. Dans les médias, on peut lire que la croissance annuelle chinoise est de 4,9% sur le troisième trimestre. Sauf que ces données sont en glissement annuel et donc forcément, la chute du PIB de l’année dernière gonfle le résultat.


On a déjà eu l’occasion d’expliquer les raisons de ce ralentissement et on peut d’ores et déjà conclure qu’en réalité, la crise immobilière que l’on suit au travers de Evergrande n'est en réalité que la pointe de l'iceberg des problèmes auxquels est confrontée la Chine.


La crise énergétique que le pays connaît et dont nous avons également parlé n’améliore pas les choses et le ralentissement du pays communiste impactera nécessairement le reste du monde.


D’ailleurs la Réserve Fédérale américaine, dans son dernier rapport sur la stabilité financière publié la semaine dernière indiquait que : "compte tenu de la taille de l'économie et du système financier chinois ainsi que de ses liens commerciaux étroits avec le reste du monde, les tensions financières en Chine pourraient mettre à rude épreuve les marchés financiers mondiaux par une détérioration du sentiment de risque et poser problème concernant la croissance économique mondiale en plus d’affecter la États-Unis".


Tout cela, alors qu’en septembre, le président de la Fed, Jerome Powell, expliquait que les États-Unis n’étaient pas exposés à la crise de Evergrande.


4. Version vidéo de l'article

bottom of page