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Épisode 1 : La chute de EVERGRANDE | Le Mythe du Modèle Chinois !

Le géant chinois Evergrande, endetté à hauteur de 300 milliards de dollars est actuellement en chute libre et menace désormais de s'effondrer avec le risque d'emporter une partie de l'économie sur son passage !


Le jeudi 23 septembre 2021, le géant immobilier a fait défaut de paiement, il n'a pas remboursé une partie de sa dette donc.


Une entreprise d'envergure internationale fortement endettée, prête à s'écrouler en tirant vers le fond toute une partie du système financier. C'était le point de départ de la crise économique de 2008 lorsque la banque d'investissement Lehman Brothers avait fait faillite aux Etats-Unis.


Désormais, c’est Evergrande, conglomérat immobilier chinois, qui inquiète les marchés et comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, le cours de Evergrande est en train de chuter bien plus rapidement que Lehman Brother lorsque celui-ci avait fait faillite !


Comment est-on arrivé à ce point et comment la faillite de cette entreprise pourrait nous affecter ?


 

Table des matières


 

1. État des lieux: que se passe-t-il avec Evergrande ?

Le promoteur immobilier chinois Evergrande défraie la chronique actuellement. C’est dire à quel point il est important puisqu’il s’agit de l'une des 500 plus grandes entreprises au monde et le deuxième plus grand promoteur immobilier Chinois.


Il emploie directement 200.000 personnes et on estime qu'il donne du travail indirectement à près de 4 millions d’employés.


L’entreprise développe actuellement 1.300 projets immobiliers dans 280 villes chinoises et comme si cette activité ne suffisait pas, la société s'est diversifiée ces dernières années pour pénétrer des secteurs d’activité aussi divers que celui de la voiture électrique, le football ou encore les loisirs et le tourisme.


D’ailleurs, l’entreprise est propriétaire du club de football Guangzhou Evergrande et construit actuellement un des plus grands stades de football au monde.


Elle construit également une île artificielle au sein de laquelle elle souhaite implanter des complexes de loisirs, des centres commerciaux, des hôtels, etc.


Enfin bref, une entreprise avec de grandes perspectives de croissance vis-à-vis du futur, une entreprise en pleine expansion.


Le problème, c'est qu'il s'agit essentiellement d’un business qui base son modèle de croissance sur la dette.


300 milliards de dollars, c'est le total du passif que Evergrande accumule, un passif dont l'entreprise vient d’annoncer qu'elle ne sait pas si elle sera en mesure de payer.


Evergrande doit faire face à un sérieux problème de trésorerie. Elle n'a pas assez de liquidités pour faire face au remboursement de sa dette et elle ne trouve pas d’investisseurs prêts à refinancer cette dette ou acceptant d’acheter ses actifs pour pouvoir obtenir la trésorerie nécessaire avec laquelle payer sa dette.


Autrement dit et pour faire simple, Evergrande est confronté à ce que l’on appelle une crise de liquidité ou pour les juristes, elle se trouve en état de cessation de paiements.


Évidemment, cette crise de liquidité est susceptible d’avoir des répercussions sur les banques chinoises car ce sont précisément ces institutions qui sont les principales créancières de l’entreprise, même si l’ensemble du système financier mondial est concerné.


Malgré tout, on aurait bien tort de penser que cette crise de liquidité est un événement isolé, un événement qui n'a aucun rapport avec ce qui se passe dans l’ensemble de l'économie chinoise.


Et c’est justement là qu’il est important de bien comprendre qu’en réalité, cette crise de liquidité, qui concerne l'une des plus grandes entreprises au monde, est étroitement liée à la trajectoire que l'économie chinoise a choisi de suivre au cours de ces 20 dernières années.


Ce même système qui est adulé par un grand nombre d’économistes qui ne cessent de nous rabâcher que la Chine est l’exemple à suivre.


2. Le mensonge de l'exemple chinois

Premièrement, jusqu'en 2007, l'économie chinoise s'est développée principalement grâce à son secteur exportateur qui était en plein essor, cela est évident. La Chine avait et continue d'avoir un secteur exportateur extrêmement compétitif, notamment en ce qui concerne la vente massive de marchandises à l’occident.


De son côté, l’occident finançait l’achat de ces marchandises en grande partie au travers de son endettement, puisque pour rappel, jusqu'en 2007, avec l'explosion de la bulle immobilière des subprimes et la quasi faillite de l’euro en 2011, les économies européennes et américaines étaient embourbées dans une bulle de dette. En d'autres termes, nos importations tout comme les achats qui étaient effectués à l’intérieur de nos territoires se faisaient en grande partie au travers de notre endettement.


Par exemple, dans le cas des États-Unis, le pays s'endettait majoritairement envers la Chine.


Et fin 2007, la Chine avait dégagé un excédent courant de plus de 10% de son PIB.


Autrement dit, le pays exportait bien plus qu’il n’importait et une grande partie de ses exportations étaient achetées entre autres par les États-Unis sous forme d'importations.


D’ailleurs, le déficit courant américain à la fin de 2006 était de 6% de son PIB.



Pour résumer, la planche à billet tournait à plein régime suite à l’explosion de la bulle technologique des années 2000 favorisant l'endettement des agents privés et du gouvernement, ce qui leur permettait d’importer des biens chinois, la Chine recevait quant à elle des dollars qu’elle gardait en partie sous forme de réserve de change et l’autre partie était utilisée pour acheter de la dette américaine ce qui faisait pression à la baisse sur les taux d’intérêt, augmentait l’endettement et ainsi de suite ...


Un cercle d’endettement s’était mis en place, avec d’une part les États-Unis qui s’endettaient en partie vis-à-vis de la Chine et d’autre part, la Chine qui vendait ses marchandises.



On est donc très loin du grand mythe keynésien du soi- disant “excès d’épargne” et c’est justement ce que l’économiste Jacques Rueff appelait “Le Péché Monétaire de l’Occident”.


Le problème c’est qu’en 2007, la crise financière frappe de plein fouet l'Occident et évidemment, la capacité d’endettement de ces pays a diminué puisqu’encore une fois, pour rappel, il s’agissait d’une crise de la dette. On a donc assisté à un phénomène de désendettement, notamment de la part des agents privés qui cherchaient à liquider leurs actifs afin de rembourser leurs dettes.


Ainsi, tandis que le moteur de la croissance chinoise jusqu'en 2007 avait été de vendre à l'Occident grâce justement à l'endettement de l'Occident qui achetait entre autres des produits chinois, cette période était résolue.


De ce fait, les autorités chinoises ont compris à partir de 2008 qu'un changement de cycle s'annonçait : l'Occident n'allait plus acheter les marchandises chinoises en s'endettant.


Cela ne voulait pas dire que l’Occident allait arrêter d’acheter en Chine, simplement qu’en termes nets, les paiements seraient réalisés au comptant ce qui permettrait de réduire cet effet de levier.


À partir de ce moment-là, les autorités chinoises ont décidé de changer la stratégie de croissance du pays et au lieu de focaliser l'activité économique sur les exportations, l’objectif était désormais de donner beaucoup plus d’importance à la consommation intérieure.


D’ailleurs, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, l'excédent courant de la Chine est passé de plus de 10% du PIB fin 2007 à moins de 1 % du PIB en 2018 et 2019, c'est-à-dire juste avant la pandémie.


Au cours de ces 10 dernières années, on a donc assisté à un changement de paradigme très fort en Chine, passant de regarder à l'extérieur pour commencer à regarder beaucoup plus à l'intérieur.


Sauf qu’à partir de 2007, la crise des subprimes a marqué la fin de l’énorme croissance chinoise dont le PIB avait augmenté de 14% en 2007.

La question se posait donc de savoir comment maintenir ces taux de croissance sachant que le moteur de la dette occidentale allait ralentir.


La réponse apportée par les autorités chinoises était de favoriser la consommation intérieure grâce à l'emprunt, à son tour, et comme on peut le voir sur ce graphique, la dette privée des ménages et des entreprises chinoises a tout simplement doublé et elle est passée de 100/110% du PIB à plus de 220%, précisément, à partir de 2008/2009, lorsque la Chine a commencé à changer son modèle de croissance.


Autrement dit, la Chine dont le modèle de croissance dépendait de l’endettement du reste du monde et qui pouvait croître sur le dos des pays occidentaux, dépend désormais de son propre endettement et forcément, il arrive un moment où cela devient particulièrement dangereux car l'excès de dette a tendance à générer des bulles d'actifs, à générer de mauvais investissements généralisés qui, à un moment donné, tôt ou tard, doit exploser.


Tout naturellement, si cet excès de dette finance de mauvais investissements et que ces investissements ne sont pas rentables, il devient difficile de faire face à ses engagements ce qui provoque l’effondrement de l’économie du pays, le plongeant dans une profonde dépression.


Sauf que le système pyramidal mis en place par la Chine était déjà sur le point de s'effondrer en 2014. En effet, entre 2008 et 2014, la Chine a essentiellement financé sa dette grâce aux arbitrages internationaux de ceux qui nous vantent l’investissement chinois depuis des années.


À cette époque, suite à la crise des subprimes, pour relancer l’économie du pays, la réserve fédérale américaine décide de mettre en place le "Quantitative Easing" ou assouplissement quantitatif en français et n’a pas d’autres choix que de baisser les taux d’intérêts à 0,75% afin d’inonder l’économie du pays de dollars.


De l’autre côté, en Chine, les taux d’intérêts se trouvaient aux alentours de 6 à 6,5%. Les opportunités étaient donc particulièrement alléchantes : les investisseurs s’endettaient à des taux d’intérêt faible aux États-Unis, puis plaçaient leur capital en Chine, en achetant des actifs chinois et notamment des obligations chinoises dont le rendement était bien plus élevé : c’est ce que l’on appelle le "Carry Trade" dans le jargon financier.


De cette manière, ces arbitrages internationaux permettait à la Chine d'augmenter son endettement et donc sa consommation intérieure sans avoir à déprécier le yuan qui plus est, s'était revalorisé de plus de 8% durant cette période ce qui rendait les investissements étrangers encore plus intéressants.


Mais à partir de fin 2013, les États-Unis amorcent le fameux "tapering", c'est-à-dire le retrait progressif des stimulations monétaires jusqu’en 2014 où le Quantitative Easing prend fin, en dépit de quoi, le capital financier cesse de couler des États-Unis vers la Chine et commence justement à revenir aux États-Unis.


De telle sorte que l’endettement croissant de la Chine grâce au crédit américain disparaît et à partir de ce moment-là, pour éviter de tomber en récession, le gouvernement chinois décide de favoriser encore plus son endettement de manière endogène en baissant les taux.


Comme on peut le voir, entre 2011 et 2014, les taux chinois étaient particulièrement élevés et ils descendent de manière drastique à partir de 2014, justement à partir du moment où le "tapering" commence à produire ses effets.


La Chine baisse donc ses taux, passant de 6% à 4,35% afin de maintenir son économie à flot ce qui ne l’empêche pas malgré tout d’enregistrer des taux de croissance en constante diminution.


3. La folie de Evergrande

Arrivé à ce stade, vous vous demandez peut-être, quel est le rapport avec Evergrande.

Et bien justement, Evergrande n’est que la conséquence de ce cycle de surendettement interne en Chine afin de stimuler artificiellement sa croissance.


Si bien la Chine avait été capable de croître jusqu’à maintenant parce qu’elle rattrapait tout simplement son retard, on voit qu’elle n’a pas d’autre choix que d’imiter les politiques pas très judicieuses des pays occidentaux, qui pensent que la croissance ne peut se faire qu’au travers de la consommation et que l’épargne est un fardeaux.


À vrai dire, ce n’est pas étonnant que l’on se rapproche du gouffre économique si tous ces politiques sont d’aussi piètres économistes que Bruno Le Maire.


En même temps, difficile de lui demander des conseils en épargne et investissements quand on sait que ses seuls placements se résument à de simples comptes d’épargne en banque et rien en bourse ou dans une assurance-vie.



Pour revenir à Evergrande, il ne s’agit probablement pas de la seule entreprise qui se trouve dans cette situation et à laquelle l’économie chinoise va devoir faire face durant les prochaines années et si les mauvais investissements sont plus que généralisés, alors, l’économie chinoise va nécessairement souffrir.


Et encore une fois, ce sont les mêmes responsables, c’est-à-dire, le gouvernement chinois, de concert avec la banque centrale chinoise d’avoir promu l’endettement massif afin de maintenir des taux de croissance élevés, qui accusent désormais les spéculateurs d’être à l’origine de cette situation : on retrouve exactement le même modèle de 2008, ce n’est jamais la faute des politiques omniscients et omnipotents.



4. Est-ce que l'effondrement d'Evergrande pourrait entrainer l'effondrement de l'économie chinoise ?

Autant être honnête, cela est peu probable, du moins en l’état actuel des choses car le gouvernement dispose encore de nombreux outils à sa disposition pour socialiser les pertes.


En effet, si l’on regarde les réserves de la banque chinoise, elles s’élèvent à 3.200 milliards de dollars, c’est-à-dire 3,2 billions européens de dollars.




Le passif de Evergrande, quant à lui, s'élève à 300 milliards de dollars, c’est-à-dire, 10 fois moins que les réserves chinoises.

Autrement dit, la Chine pourrait très bien choisir de sauver Evergrande en tapant dans ses réserves, ce qui déprécierait mécaniquement le yuan.


Ceci étant dit, le fait que Evergrande pourrait être sauvé ne signifie pas que la situation n’aura pas de répercussions négatives. Si le modèle de croissance chinois basé sur l’endettement prend fin, cela veut dire que dans les mois à venir, le pays communiste pourrait vivre un ralentissement de sa croissance.


Si le dictateur Xi Jinping de concert avec le parti central décide au contraire de poursuivre cette folie, alors, la bulle ne ferait que croître empirant la situation future du pays au grand dam de ceux qui nous vantent la Chine comme le modèle à suivre.


Toujours est-il que cette situation couplée avec l’événement des sous-marins et de la sortie des États-Unis de l’Afghanistan pour rediriger ses troupes du côté de zone indopacifique s’annonce extrêmement intéressante !


 
5. Pour voir la version vidéo de cet article


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